Dans cet épisode, je vous raconte l’histoire des Vachon, fondateurs de l’entreprise du même nom et créateurs du célèbre Jos Louis. Bonne écoute!
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Description de l’épisode
Note : Pour cet épisode, ma principale source est le livre ayant comme titre L’Histoire des petits gâteaux Vachon : de sucre et d’audace de Dave Corriveau. N’hésitez pas à vous le procurer pour en apprendre davantage.
L’histoire débute en 1923 alors que Rose-Anna et Joseph-Arcade Vachon, alors âgés respectivement de 46 et 56 ans, acquiert un terrain, une maison et une boulangerie à Sainte-Marie pour la modique somme de 7 000$. N’ayant aucune connaissance pour la boulange, les Vachon mandatent Rédempteur, l’aîné de la famille, pour qu’il apprenne le métier auprès de l’ancienne propriétaire.
Rédempteur devient donc responsable de la fabrication du pain à la boulangerie J.A. Vachon. Il veille également à l’entretien général et assure la livraison avec son père. Quant à Rose-Anna, elle tient les comptes de l’entreprise, ayant en poche une cinquième année. Elle est considérée par plusieurs comme l’une des premières femmes d’affaires du Québec moderne.
Une compétition féroce
La compétition est féroce, alors que l’on compte plusieurs boulangeries dans les paroisses avoisinantes. Au début, les Vachon comptent 200 clients et produisent à raison de 600 unités par semaine, ce qui équivaut à des ventes hebdomadaires d’une trentaine de dollars. Ceci est suffisant pour subvenir aux besoins de la famille, mais insuffisant pour rembourser le prêt contracté pour l’achat de la boulangerie.
Rose-Anna décide dès lors de concocter des brioches, des croquignoles, des tartes et des beignes afin de diversifier les sources de revenus de l’entreprise familiale. Les nouveaux produits connaissent beaucoup de succès, si bien que les Vachon sont en mesure de faire le premier versement pour le remboursement de la dette. Ce succès permet également de rapatrier les autres fils du couple qui étaient partis vivre aux États-Unis pour y trouver du travail.
Les enfants reviennent au bercail
Louis est le premier à revenir en Beauce en 1924. Amédée suivra en 1927. Entre-temps, Rédempteur quittera l’entreprise familiale pour s’établir dans les Territoires du Nord-Ouest au grand dame de ses parents. Puis en 1932, la crise économique mondiale force le retour au bercail de Joseph, le dernier des fils Vachon expatriés aux États unis.
Paul et Benoît, les deux plus jeunes garçons de la famille, vont joindre l’entreprise familiale pratiquement au même moment. C’est à Paul que l’on doit la création du célèbre Jos Louis, le gâteau qui a fait la renommée des Vachon. Ce dernier n’avait pourtant pas l’intention de travailler à la pâtisserie initialement. Il trouvera sa voie grâce à l’insistance de sa mère pour remplacer un ouvrier pâtissier absent.
Vachon dépasse les frontières de la Beauce
Les ventes de l’entreprise franchissent rapidement les frontières de la Beauce. Toutefois, l’hiver vient freiner la croissance, car les routes sont fermées et que les gâteaux doivent être livrés par train. Pour contrer ce problème, les Vachon vont implanter des centres de distribution, ce qui leur permettra de fonctionner en continu toute l’année.
En 1934, l’entreprise compte huit employés à la fabrication ainsi qu’une équipe de vendeurs. Trois ans plus tard, Vachon compte 35 employés. Le manque d’espace devient rapidement un problème, et ce, malgré des travaux d’agrandissement. En septembre 1936, les Vachon prennent une décision importante en faisant l’acquisition d’un bâtiment pour 5 000$. Ils procéderont à l’ouverture officielle de cette nouvelle installation le 12 mai 1937.
D’une production artisanale a une production industrielle
Ce déménagement permet aux Vachon de passer d’une production artisanale à une production industrielle. Ils fabriquent un premier convoyeur à gâteaux aux moyens d’éléments récupérés. De plus, ils achètent un appareil servant à déposer la pâte dans les moules et aménagent un four à cuisson continue.
Des événements malheureux vont cependant venir assombrir la fin de la décennie 1930. Le patriarche Joseph-Arcade rendra l’âme le 15 janvier 1938. Puis un conflit éclate entre les frères Joseph et Louis. Rose-Anna devra alors prendre une décision difficile pour le bien de l’entreprise, soit de demander à son fils Louis de se retirer. Ce dernier sera élu maire de Sainte-Marie de Beauce quelques années plus tard.
Le chiffre d’affaires de Vachon explose
Le chiffre d’affaires de l’entreprise va exploser entre 1939 et 1945, passant de 130 000$ à 500 000$. En 1940, l’entreprise compte près d’une soixantaine d’employés, soit 45 hommes et 12 femmes, et fabrique 250 000 douzaines de gâteaux et pâtisseries. La production de pain sera définitivement abandonnée l’année suivante.
La Deuxième Guerre mondiale amènera son lot de défis avec la rationalisation. Les Vachon iront jusqu’à utiliser des moyens illégaux pour s’assurer un approvisionnement des matières premières, comme l’achat de sucre sur le marché noir qu’ils cacheront dans des granges et des chalets afin d’éviter les soupçons des autorités canadiennes.
L’armée contribue à la croissance de Vachon
Cette période sombre va contribuer aux succès des Vachon. On raconte qu’un jour, des dizaines de conscrits affamés se sont rendus dans un comptoir de vente de Québec. Paul Vachon aurait alors dit à l’un de ses vendeurs de leur offrir chacun deux gâteaux. Les commandes provenant de l’armée canadienne auraient ensuite afflué de Vancouver à Halifax, et même en Europe, assurant ainsi 30% des revenus de l’entreprise.
Peu avant la fin de la guerre, Rose-Anna décide d’accrocher son tablier après des années à la tête de la pâtisserie. Joseph, Amédée, Paul et Benoît vont lui racheter ses parts pour ensuite se partager les responsabilités. Rose-Anna rendra l’âme quelques années plus tard, soit le 2 décembre 1948.
Une nouvelle usine
Le succès ne se dément pas pour les Vachon, si bien qu’en 1947, l’entreprise possède une flotte de 70 véhicules. Elle emploie plus de 250 personnes et fabrique plus d’une centaine de variétés de gâteaux et de tartelettes. À l’étroit, les Vachon font construire une nouvelle usine ainsi qu’un entrepôt afin de poursuivre leur croissance. Ils font également l’acquisition de nouvelles machines en plus de faire construire un four électrique.
Les ventes nettes qui se chiffraient à 134 152 $ en 1939 dépassent les deux millions de dollars en 1950. Les Vachon investissent constamment dans l’entreprise pour la moderniser. Outre les travaux d’agrandissement, ils construisent un laboratoire de recherche au coût de 60 000$ et font l’achat d’une machine à caramel qui réduit drastiquement le besoin de main-d’œuvre.
Une campagne publicitaire augmente la notoriété de Vachon
Tout va bien pour l’entreprise, mais la région de Montréal lui échappe. Cette dernière est dominée par la compagnie Stuart qui commercialise le très populaire May West. Vachon doit gagner en notoriété. En 1954, elle élabore une campagne publicitaire radiophonique à l’occasion des Fêtes, laquelle lui permettra d’entrer plus facilement dans toutes les chaumières de la métropole.
La fin des années 1950 est marquée par un emprunt public de 750 000$ qui permettra de moderniser les équipements de l’entreprise. On ajoute une ligne robotisée. Des machines tranchent les gâteaux et les enduisent de chocolat. La pâtisserie consomme quotidiennement 18 000 livres de sucre et 12 000 livres de farine. Annuellement, ce sont près de 250 000 livres de chocolat, deux millions de livres de confitures et de gelées et 10 millions d’œufs qui sont utilisés par l’entreprise.
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Vachon peut compter sur quelque 130 représentants et 182 camions. Elle possède des centres de distribution dans les principales villes de l’est du pays, dont Montréal, Sudbury, Toronto, Hull et Rouyn. Elle compte 19 territoires de vente, ce qui lui permet d’augmenter son chiffre d’affaires de 800% entre 1948 et 1958.
Vachon modernise son image
Après les équipements, c’est maintenant au tour de l’image de l’entreprise d’être modernisée. On revoit le logo et l’emballage. Ce dernier doit être commode à ouvrir et à fermer, protéger le contenu pendant la livraison et assurer la fraîcheur du produit. On privilégie les couleurs pastel pour l’emballage des gâteaux et des dessins spécialement conçu pour attirer le regard pour les boites de tartes.
En 1965, l’entreprise procède à de nouveaux travaux d’agrandissement, ce qui porte à 47 000 mètres carrés la superficie de ses installations. L’entreprise compte alors plus de 1 000 employés et devient la plus grande pâtisserie au pays. Ses 300 camions livrent quotidiennement 112 tonnes de produits, tant au Canada qu’aux États-Unis.
Les employés se syndicalisent
L’année suivante est marquée par la syndicalisation des employés. Les Vachon avaient jusqu’alors réussi à tenir les syndicats à l’écart. On raconte qu’ils allaient au domicile de chacun de leurs employés en leur demandant de signer un papier qui stipulait qu’ils renonçaient à l’implantation d’un syndicat dans l’usine. Un refus de signer signifiait un congédiement immédiat.
La première grève de l’histoire de l’entreprise éclate le 13 mai 1969 après six mois de négociations infructueuses. Le principal point de litige concerne le salaire des employés. Il faudra attendre jusqu’au 4 juin avant que le conflit se règle, soit après une offre patronale qui proposait une augmentation de 0,15 $ de l’heure pour les trois années que durera la convention collective. Ceci représente un déboursé supplémentaire d’environ 1,5 million de dollars pour les Vachon.
Le Mouvement des caisses Desjardins se porte acquéreur de l’entreprise
La grève laissera un goût amer aux dirigeants de l’usine qui la considère comme une trahison. Les Vachon sont au bout du rouleau et la relève n’est pas au rendez-vous. Devant cette réalité, la vente devient la seule avenue possible. Le 13 mars 1970, le Mouvement des caisses Desjardins se porte acquéreur de 83% des parts de l’entreprise, une transaction chiffrée à 14 millions de dollars.
En 1977, le groupe alimentaire Vachon subit une transformation en s’incorporant sous le nom de Culinar. S’ensuit toute une série d’acquisitions visant à diversifier ses opérations. Stuart Ltée et Aliments Imasco Ltée ne sont que quelques exemples d’entreprises qui vont passer sous le contrôle de Culinar.
Dix milliards de petits gâteaux Vachon
Le 22 octobre 1985 marque un moment historique pour l’entreprise. Après un peu plus de 57 ans d’activité, elle produit le dix milliardième petit gâteau Vachon. L’événement sera fêté en grand en compagnie des membres fondateurs et de nombreuses personnalités politiques. Un énorme Jos Louis de plus de trois mètres de diamètre sera servi aux invités.
En 1986, Vachon représente 90% du marché canadien des petits gâteaux avec des ventes de 135 millions de dollars. L’entreprise emploie 1 500 employés, lesquels produisent quotidiennement près de 2,2 millions de petits gâteaux et quelque 20 500 tartelettes. Vachon utilise annuellement 15 millions de livres de sucre et à besoin de 181 530 poules pondeuses pour obtenir les œufs nécessaires à sa production.
En 1988, l’usine Vachon produit 1,6 million de petits gâteaux quotidiennement. L’entreprise compte 30 000 points de vente au Canada ainsi qu’une flotte de 600 véhicules. La production grimpe à deux millions de petits gâteaux par jour en 1990 et l’entreprise s’apprête à conquérir le marché américain. Toutefois, une importante récession viendra chambouler ses plans.
Une récession freine la croissance de l’entreprise
Combinée a diverses restructurations, la récession va freiner brutalement les bénéfices de l’entreprise. En 1991, Culinar affichera une perte de 10 millions de dollars. Cette situation entraînera des suppressions de postes, mais ces dernières seront insuffisantes pour redresser l’entreprise qui affichera une perte de 27 millions de dollars en 1994.
Entre-temps, des rumeurs d’acquisition viendront se confirmer le 8 juin 1993. L’entreprise J.M. Smucker fera l’acquisition de Confitures Vachon, une division qui génère des profits de 30 millions de dollars par année. L’année suivante s’avérera particulièrement difficile alors que les livreurs responsables de l’est du Québec déclenchent une grève de deux semaines pour protester contre le nouvel horaire de travail.
Saputo acquiert Vachon
Moins de deux ans plus tard, c’est au tour des 650 employés de Sainte-Marie de déclencher une grève. La production sera arrêtée pendant trois semaines. L’entreprise retrouvera finalement le chemin de la rentabilité en 1996 avec un bénéfice de 1,3 million de dollars. Puis, le 4 août 1999, l’entreprise montréalaise Saputo se portera acquéreur de Vachon pour 283,2 millions de dollars.
Vachon restera sous le contrôle de Saputo pendant seulement une quinzaine d’années. Son président, Lino Saputo, admettra que la transaction avait été une erreur, car les activités de boulangerie ne cadraient pas avec la stratégie d’expansion de son entreprise.
L’entreprise passe aux mains d’intérêts étrangers
Devant ce constat d’échec, Saputo acceptera en 2015 l’offre de 120 millions de dollars de Boulangerie Canada Bread, une marque appartenant au groupe mexicain Grupo Bimbo S.A.B. Un autre fleuron québécois passa donc à des intérêts étrangers, tout comme Rona et les rôtisseries St-Hubert.
Sources :
L’Histoire des petits gâteaux Vachon : de sucre et d’audace, Dave Corriveau, avril 2019
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