Description de l’épisode

Le 26 septembre 2013, des dizaines de milliers d’Italiens écoutaient en direct l’émission La Zanzara diffusée sur les ondes de la radio 24. L’animateur reçut ce jour-là Guido Barilla, PDG de l’entreprise du même nom, soit le plus grand producteur de pâtes au monde.

L’entrevue allait bon train alors que Barilla discutait de divers sujets, comme l’héritage familial de l’entreprise. Puis soudain, l’homme d’affaires et père de cinq enfants, qui détient 85 % de l’entreprise familiale avec ses frères et sœurs, y alla d’une déclaration fracassante.

« Je ne ferai jamais de publicité avec une famille homosexuelle, non pas par manque de respect, mais parce que nous ne sommes pas d’accord avec elle. » Il ajouta qu’il était favorable au mariage entre homosexuels, mais opposé à l’adoption par des parents de même sexe. Il termina en mentionnant que les homosexuels qui n’étaient pas d’accord avec ses propos étaient libres d’acheter une marque de pâtes concurrente.

Les propos de Guido Barilla enflamme le web

Les propos homophobes de Barilla enflammèrent rapidement les réseaux sociaux. Plusieurs internautes s’amusèrent à parodier des publicités de la marque. D’autres personnes postèrent des photos de sacs de poubelles remplies de pâtes Barilla sur la page Facebook de la marque tout en mentionnant qu’ils allaient dorénavant acheter les pâtes d’un compétiteur.

La prestigieuse université Harvard retira les pâtes Barilla de ses réfectoires alors que les principaux détaillants aux États-Unis et en Europe demandèrent à l’entreprise de clarifier sa position. Moins de 24 heures plus tard, le PDG de Barilla publia un communiqué de presse dans lequel il présenta ses excuses.

Un mouvement de boycottage mondial

Ceci n’apaisa en rien la colère des gens. Plusieurs personnes, incluant de nombreuses célébrités, appelèrent au boycottage mondial de la marque. C’est le cas de l’actrice et militante américaine Chrissy Teigen qui publia le message suivant sur son compte Twitter suivi par plus de 11 millions de personnes : « Barilla a le droit de croire ce qu’il veut. Et j’ai le droit de boycotter l’entreprise ou de financer entièrement un film pornographique gai réalisé dans une baignoire rempli de linguine. »

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Claudio Colzani, qui avait rejoint Barilla à titre de directeur général un an auparavant, se montra très inquiet suite aux propos de son patron. Bien que les pertes financières furent marginales, la réputation de l’entreprise fut entachée. En 2014, Barilla perdit 21 places dans le classement annuel des entreprises établi par le Reputation Institute. À long terme, ceci pouvait nuire à la croissance, voire même à la pérennité de la marque.

Guido Barilla fait son mea culpa 

L’entreprise avait jusqu’à maintenant tenté d’être un bon citoyen corporatif. Elle devait maintenant être un modèle pour tous. La semaine suivant ses commentaires, Guido Barilla rencontra des gens de Parks Liberi e Uguali, un organisme à but non lucratif qui travaille avec les employeurs sur l’inclusion de la communauté LGBT, et la Fondation Tyler Clementi, qui s’efforce de mettre fin à l’intimidation et au harcèlement.

Colzani mit quant à lui en place un programme de formation sur la diversité et l’inclusion pour l’ensemble du personnel travaillant chez Barilla. Plus de 1 000 travailleurs ont ainsi été formés. L’entreprise créa également un poste de responsable de la diversité et de l’inclusion en plus d’avoir mis en place un comité consultatif externe.

Cette dernière initiative n’a pas été simple à mettre en place, car la plupart des candidates et candidats approchés refusèrent de siéger à ce comité, prétextant qu’ils ne souhaitaient pas être associés à la marque.

Guido Barilla rencontre David Mixner

C’est le cas de David Mixner, un auteur américain et militant des droits civiques qui fut nommé « l’homosexuel le plus puissant d’Amérique » par le magazine Newsweek. L’homme âgé aujourd’hui de 76 ans, qui s’était joint au mouvement de boycottage de la marque, refusa quatre fois de rencontrer Guido Barilla avant d’accepter par faveur personnelle pour un ami qui travaillait dans les relations publiques.

Les deux hommes se rencontrèrent dans un restaurant new-yorkais près de Times Square. À son arrivée, Mixner demanda aux serveurs d’accélérer le service afin qu’il puisse partir dans l’heure. Lui et Barilla passèrent finalement quatre heures à table.

Mixner raconta la douleur qu’il avait ressentie du fait de son homosexualité. Il s’est notamment éloigné de sa famille pendant trois ans, a perdu son emploi et a été la cible d’un crime haineux. Barilla raconta quant à lui que sa famille avait une longue histoire de lutte contre l’injustice, son père ayant été impliqué dans la résistance contre le régime fasciste italien dans les années 1940.

Mixner devient l’un des plus proches confidents de Barilla

Suite à leur rencontre, Mixner devint l’un des plus proches confidents de Barilla, notamment sur les questions de diversité. De plus, la compagnie verse désormais à Mixner une allocation annuelle de 25 000 dollars pour siéger au conseil consultatif.

Elle a également parrainé certaines de ses pièces, dont les recettes furent versées au Ali Forney Center, une organisation basée à New York qui aide les jeunes homosexuels sans abri à trouver un refuge, et aux efforts visant à faire progresser l’égalité des mariages en Italie.

En 2018, soit lors du Championnat du monde de pâtes à Milan, l’entreprise fit exactement ce que son président avait promis qu’il n’arriverait jamais : elle dévoila une édition limitée de son produit le plus populaire, le Spaghetti n° 5, emballé dans une boîte montrant deux femmes se tenant par la main. L’illustration fut conçue par Olimpia Zagnoli, une artiste italienne qui avait prôné le boycottage de Barilla en 2013.

Quelques semaines plus tard, l’entreprise présenta un court-métrage. On y voit des images de Mixner et de Barilla défiler pendant qu’un narrateur mentionne que le PDG de la plus grande marque de pâtes mondiales a appris que l’amour est aveugle, car il ne fait aucune distinction par rapport au sexe, à la religion ou à la race d’une personne.

Sources : 

Barilla Pasta’s Turnaround From Homophobia to National Pride, bloomberg.com, 7 mai 2019

Les excuses forcées du patron de Barilla après ses propos sur les gays, lefigaro.fr, 27 septembre 2013

Barilla Pasta Boycott: Chairman Says Gays Can Find Another Brand to Eat, Internet Replies “Will Do!”, eonline.com, 27 septembre 2013

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